Les logiciels de contrôle parental deviennent obligatoires en France avec la mise en application de la loi Studer. Tous les fabricants d’appareils connectés vendus en France seront désormais dans l’obligation de pré-installer un dispositif de contrôle parental afin de permettre aux parents de surveiller l’activité de leurs enfants sur le Web. Voyons un peu plus en détail en quoi consiste cette loi et les changements à attendre.
La loi Studer impose les logiciels de contrôle parental sur PC, smartphone et tablette
A partir du 13 juillet 2024, la loi Studer va obliger tous les fabricants d’appareils connectés vendus en France à pré-installer un dispositif de contrôle parental afin de permettre aux parents de surveiller l’activité de leurs enfants sur le Web. Cette nouvelle loi vise à assurer une meilleure protection des mineurs sur Internet.
Les fabricants vont donc devoir s’assurer qu’une application de contrôle parental sur iOS (ou Android) a bien été installée dans le système d’exploitation de chaque appareil commercialisé en France. La loi stipule que le logiciel ne doit pas enregistrer des données personnelles sur les enfants, collectées ou générées lors de l’activation du dispositif de contrôle parental.
Pour tous les nouveaux appareils commercialisés en France, on devrait ainsi voir apparaître lors du premier démarrage un outil pour configurer son logiciel de contrôle parental. Le dispositif devra veiller à bloquer les téléchargements d’applications interdites aux mineurs et tout le contenu inadapté pour les personnes de moins de 18 ans (pornographie par exemple). L’ANFR (autorité administrative en charge de la gestion des fréquences) a été nommée pour s’assurer du respect des règles.
L’activation gratuite du dispositif de contrôle parental devra être automatiquement proposée lors du premier démarrage d’un appareil connecté. Rien n’oblige le responsable légal à activer l’option sur l’appareil de son enfant, même si c’est bien évidemment conseillé pour assurer la sécurité digitale de son propre enfant.
Tous les appareils connectés disposant d’un navigateur Internet sont concernés par cette loi : ordinateurs, tablettes, smartphones, consoles de jeu vidéo ainsi que plus généralement tous les objets connectés (télévisions, montres, enceintes). Les appareils comme les box Internet et plus généralement tous les appareils ne disposant pas d’un navigateur Internet ont cependant été exclus du dispositif. Les appareils ne disposant pas d’un OS pré-installé, comme les appareils professionnels, sont exclus également du dispositif.
Cette nouvelle loi vise à assurer la protection numérique d’un enfant contre les dangers du Web (pédo-pornographie, pornographie, sites malveillants, harcèlement, arnaque, accès à du contenu violent…) et contre les dégâts liés à une exposition digitale prolongée.
Rappel :
Un logiciel de contrôle parental est un outil installé sur un appareil électronique afin de permettre aux parents de mieux gérer l’accès de leurs enfants à des appareils numériques et au Web. En plus de proposer le blocage automatique des sites malveillants ou adultes, ces outils proposent des fonctionnalités enrichies comme l’enregistrement de l’historique des sites consultés et des applications consultées, la gestion du temps passé à l’écran, la localisation géographique de son enfant en temps réel avec enregistrement de son itinéraire ou encore la gestion de la messagerie. On dénombre quelques logiciels sur le marché spécialisés dans le contrôle parental, comme mSpy, Eyezy ou encore Hoverwatch.
Le long accouchement de la loi Studer en France et autres polémiques
Alors que la loi Studer devrait s’appliquer à compter du 13 juillet 2024, il aura fallu près de trois ans de négociations entre les institutions publiques et les acteurs privés pour déboucher sur l’entrée en vigueur de la loi. Revenons un peu plus en détail sur l’historique du vote de cette loi, et les différentes polémiques que celle-ci a engendrées.
Cette loi a été proposée pour la première fois par le député du Bas-Rhin, Bruno Studer, le 12 novembre 2021. Le Président de la République s’était déjà prononcé le 20 novembre 2019, en marge de la Convention internationale des droits de l’enfant, en faveur d’une réglementation plus globale avec un « contrôle parental par défaut ». Il était au départ question de rendre non seulement l’installation obligatoire, mais également l’activation du logiciel lors de la première utilisation de l’appareil électronique. Cette première proposition de loi sera finalement beaucoup plus réduite et ne proposera finalement qu’une activation facultative d’une application de contrôle parental Android (ou iOS).
Avant son adoption à l’Assemblée nationale le 18 janvier, cette loi était loin de faire l’unanimité au Parlement et elle a fait l’objet de plusieurs rectifications. Les députés ont notamment mis l’accent sur le manque de vie privée de cette loi en raison de l’enregistrement des données personnelles sur les enfants. Un amendement a d’ailleurs été voté en ce sens par les députés visant à interdire l’enregistrement de telles données collectées ou générées lors de l’activation du dispositif de contrôle parental.
Un autre amendement (n°AC31) apportera des informations complémentaires en définissant de façon plus appropriée le concept de terminaux à « des appareils destinés à l’utilisation de services de communication au public en ligne donnant accès à des services et contenus susceptibles de porter atteinte à l’intégrité morale ou physique de personnes mineures ».
Plusieurs députés reprocheront également l’absence de contrainte pour les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Un amendement viendra apporter une précision complémentaire à ce niveau, en excluant les box Internet du dispositif de contrôle parental.
La loi sera ensuite adoptée définitivement par le Sénat le 24 février 2022, avant d’être officiellement publiée dans le Journal Officiel sous le n° 2022-300 le 2 mars 2022. Malgré l’adoption définitive de la loi par le Parlement français, il faudra néanmoins attendre le décret d’application le 13 juillet 2023 pour que la date d’entrée en vigueur soit définitivement fixée.
La CNIL, organisme public français chargé du respect des lois sur la vie privée en France, a également émis quelques avertissements en lien avec l’application de cette loi. Les dispositifs de contrôle parental doivent intégrer « dès leur conception et par défaut les principes de protection des données personnelles ». Les fonctionnalités de base, comme le blocage de contenu dont l’accès est interdit aux mineurs, ne doivent pas entraîner le transfert de données personnelles vers des serveurs.
La loi était pourtant loin de faire l’unanimité dans l’industrie. Le secteur des jeux vidéo notamment, avec le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL), s’est adressé à la Commission européenne pour faire part de ses craintes en raison de « lourdes contraintes techniques conduisant à une fragmentation technologique européenne ».
L’Alliance française de l’industrie du numérique (AFNUM), représentant quelques-unes des plus grandes entreprises technologiques dans le monde comme Google ou Microsoft, s’est également prononcée contre l’application de ce nouveau dispositif et une requête au Conseil d’État a même été déposée pour demander l’annulation du dispositif.
La rapporteuse publique du Conseil d’État a néanmoins débouté l’ensemble des critiques émises par l’industrie et la loi va donc officiellement entrer en application le 13 juillet 2024. Une lueur d’espoir cependant pour les fabricants : le Conseil d’État ne s’est pas encore prononcé sur cette loi.