Publié au journal officiel de l’Union Européenne le vendredi 9 juin 2023, le règlement MiCA sera applicable à compter du 30 décembre 2024. Il vient encadrer la réglementation relative aux cryptomonnaies dans l’Union Européenne. Les premiers des actifs numériques à être concernés sont les stablecoins. Et déjà, on commence à voir les effets de cette régulation, alors qu’elle ne sera totalement effective qu’à partir du 30 juin 2026. Analyse.
- Concrètement, quel est l’objectif de l’UE avec MiCA ?
- Les stablecoins vont-ils disparaître ?
- Quelles conséquences pour les utilisateurs européens ?
L’Union Européenne s’attaque aux Stablecoins avec MiCA
Depuis l’arrivée du Bitcoin, de l’Ethereum et des cryptomonnaies dans nos vies, les états ont cherché à les comprendre, puis à les réguler. Du côté des États-Unis, c’est une guerre ouverte que se livrent la SEC et les entreprises crypto, sur fond d’incompréhension totale de l’écosystème blockchain et de ses spécificités.
En France, nous sommes plus chanceux. Oui, même si on a du mal à y croire. La régulation précoce avec le cadre des PSAN – Prestataire de Service sur Actifs Numériques – a permis aux entreprises de commencer leur mise en conformité dès sa publication dans la loi PACTE le 22 mai 2019.
La première entreprise qui a obtenu cet agrément est la Société Générale et sa filiale SG FORGE, consacrée aux crypto-assets et aux monnaies électroniques. Ce cadre a permis à la France d’être le hub crypto européen, accueillant des entreprises comme :
- Binance,
- Coinbase
- et Circle.
L’avantage des PSAN en France
Le PSAN a été une chance pour le marché français, car le règlement MiCA s’en inspire largement. Ce qui donne aux entreprises régulées en France un avantage pour atteindre l’objectif de régulation sur l’ensemble du continent européen. D’ailleurs, les entreprises enregistrées comme PSAN bénéficient d’un sursis de 18 mois après le 31 décembre 2024 pour obtenir la certification MiCA tout en continuant d’opérer sur le marché français.
Les premiers concernés par la régulation sont les fournisseurs de Stablecoins. En effet, « les dispositions sur les stablecoins (titres III et IV du règlement) sont entrées en application dès le 30 juin 2024. » peut-on lire sur le site de l’AMF.
Ces cryptomonnaies particulières ont en effet un rôle fondamental dans l’écosystème. Elles font office de pont entre la finance traditionnelle et les crypto-actifs. Enfin, certains stablecoins fonctionnent avec un ratio de 1:1, c’est-à-dire qu’ils détiennent exactement un euro ou un dollar pour chaque stablecoin émis. Comme certains pèsent plusieurs centaines de milliards, ils représentent un poids non négligeable dans l’économie.
MiCA va-t-il tuer les Stablecoins en Europe ?
Il y a 3 issues possibles pour les stablecoins qui veulent circuler dans l’Union. S’adapter, abandonner le marché européen, ou disparaître. Trois exemples représentés par trois stablecoins.
Les Stablecoins peuvent disparaître, comme Lugh EURL
Lugh est le stablecoin français qui voulait proposer sa crypto EURL suivant le cours de l’euro.
À la suite de l’entrée en vigueur du règlement MiCA, la direction de Lugh a annoncé une cessation des activités. Le projet était pourtant réglementé PSAN, et aurait pu donc attendre jusqu’en 2026 avant de prendre une décision définitive. Les dirigeants ont évoqué le coût et la complexité de la mise en conformité avec MiCA.
Cependant, les difficultés financières du groupe Casino, investisseurs dans le projet Lugh, semblent avoir pesé dans cette décision. Face aux incertitudes, le groupe a préféré ne pas investir de temps ni d’argent supplémentaires dans un projet qui s’éloigne du métier principal du groupe de grande distribution. C’est pourtant dommage, car on sait que l’activité liée aux stablecoins fait partie des plus lucratives au monde.
Les Stablecoins peuvent quitter l’Europe, comme Tether USDT
En effet, le groupe Tether derrière le stablecoin le plus connu et le plus utilisé au monde, l’USDT, a annoncé un bénéfice record au premier trimestre 2024 : 5,2 milliards de dollars. C’est l’entreprise crypto la plus rentable au monde.
Cependant, le géant a annoncé ne pas vouloir se mettre en conformité avec la réglementation MiCA, que le CEO Paolo Ardoino juge « effrayante ». Loin de mettre la clef sous la porte, le groupe entend simplement quitter le marché européen. Bien que l’Europe soit le plus gros marché au monde en termes de volume d’échange, avec 37 % des parts de marchés.
L’USDT ne sera donc plus disponible dans les exchanges régulés en Europe, comme Binance. L’exchange crypto a annoncé sur son site la fin d’une grande partie de ses activités liées à l’USDT, comme les programmes de referrals et de reward, le margin trading, etc. Ces services restent disponibles, mais plus avec de l’USDT.
Seuls 3 services restent disponibles avec l’USDT :
- la conversion des assets, mais seulement pour vendre l’USDT,
- le trading en spot,
- et la détention d’USDT dans le wallet Binance.
Ces mesures sont applicables depuis le 30 juin : Binance n’a pas perdu de temps pour se conformer aux réglementations européennes.
Les Stablecoins peuvent se mettre en conformité, et potentiellement faire main basse sur l’Europe
Enfin, troisième solution, les Stablecoins peuvent obéir aux injonctions réglementaires de l’Union Européenne. C’est le choix fait par Circle, avec son stablecoin USDC, et la Société Générale – SG FORGE. Un choix très intelligent qui va leur permettre d’avoir une situation de monopole sur le marché européen.
Dans le cas de Circle et de l’USDC, ce tour de force réglementaire permettrait de prendre l’ascendant sur Tether. Tether est le leader mondial des stablecoins, avec 69 % des parts de marché sur les CEX. Circle est numéro 2 avec 20 %. Cependant, Circle, dirigée par Jeremy Allaire, commence à se positionner comme un joueur incontournable. Après un partenariat avec le géant BlackRock, si l’entreprise arrive à remplacer Tether sur le marché européen, elle pourrait bien ravir la place de numéro 1.
D’autant plus que Circle se positionne différemment de Tether :
- La première prend position publiquement, participe aux réunions politiques, se met en conformité avec les régulateurs.
- La deuxième entretient un certain mystère, son token est utilisé pour les transactions entre les pays sous sanctions américaines, et elle évite la lumière et la régulation comme la peste.
Conclusion sur MiCA dans l’Union Européenne
La réglementation MiCA, qui marque le début d’un mouvement global que les États-Unis vont sans doute suivre, donne le ton du paysage crypto dans les prochaines années, à l’horizon 2030. Les entreprises et les Stablecoins qui restent fidèles aux valeurs originelles des crypto vont entrer en confrontation avec les États et les régulateurs. Les autres, ceux qui montrent patte blanche et qui se plient aux règles pourraient bien rafler la mise.